La primevère, rayon de soleil des premières lueurs du printemps. Vous la croisez si souvent mais la connaissez vous vraiment ?
La primevère, tout un poème
Petite et discrète, elle sort de terre fin février si le temps est clément dans ma contrée de la Franche Comté. Certains le savent, de coucou des prés, elle prend le nom, ou bien de coucou des bois parfois. Coucou car elle fleurit au printemps, lorsque commence à chanter l’oiseau éponyme.
On la trouve aux bords des maisons, plutôt en version raz du sol et coloré en blanc, jaune pale : on se demande bien comment elle a atterri là et comment elle se disperse aussi vite pour envahir tout un coteau !
Un souvenir heureux que j’ai envie de vous partager : Enfant, je ramassais les coucous dans le champ de mes grands parents. Ils m’avaient de détacher délicatement la fleur pour la séparer de son calice. Ainsi on s’y délectait de son nectar sucré. Je me suis alors empressée de recommencer. Maintenant, je le dis à mes enfants.
Pour celui là, il s’agit du coucou des prés, reconnaissables à ces fleurs jaunes vifs et portant 3 taches orangées. Elles sont hissées en haut d’une tige dressée entre 10 à 20 cm. Elle pousse le long des prés ou dans les prés le plus souvent. Son calice est renflé. Elle a des feuilles gaufrées, bien nervurées un peu comme le chou frisé. Son joli nom latin : Primula veris anciennement Primula officinalis.
Et du pré, nous passons au bois. Là aussi elle se cache, enfin pas tant que ça, car elle aime ses congénères et elles créent un si joli tapis doré attirant l’œil du promeneur. Cette fois la fleur est assez grande, d’un jaune souffre, plus foncé à la base et à 5 pétales soudées en tube, à calice non renflé. Ces fleurs sont plus hautes que sa congénère des prés. Peut être veut elle égaler les arbres qui lui sont si proches??? Elle se nomme Primula elatior et elle est inodore.
Avez-vous remarqué que toutes ces fleurs tournent la tête du même côté ? Je me les imagine, tel des tournesols, tournant leurs belles inflorescences vers le soleil et se déplaçant avec lui pour ne rien rater de ces rayons.
La primevère en déclinaison latine
Les choses étant bien faites, c’est parce qu’elle sort très tôt de terre qu’elle s’appelle Primevère. « Primevère » dérive d’une forme latine prima vera, formée de prima, premier (au féminin), et de vera, printemps. Le nom botanique des primevères, Primula, a le même sens. Il vient du latin primulus, tout premier, diminutif de primus, premier.
Avant d’aller plus loin, une précision très importante :
Les primevères ornementales, exotiques (Primula obconica, Primula sinensis, Primula cortusoides, Primula sieboldii, Primula mollis) ne sont pas du tout comestibles. Elles sont vénéneuses et toxiques !
Donc en dehors des 3 espèces pré citées ci-dessus, je vous conseille de ne pas toucher aux autres !
La primevère, au travers des siècles
J’aime bien aussi savoir si les plantes étaient utilisées par nos ancêtres. Leur histoire enrichit la mémoire collective et parfois, on en retrouve les traces chez nos grands parents.
Une synthèse de ce que j’ai fureté dans mes livres :
De l’Antiquité à l’empire romain d’Occident, il n’y a pas de documents historiques qui nous ont laissé de preuves d’une utilisation médicinale de la primevère. Ce qui est cohérent avec le fait qu’elle n’était pas présente dans l’aire des grandes civilisations de l’époque.
Ce n’est qu’ à l’époque des Croisades que l’ abbesse Hildegarde de Bingen (1098-1179) donne une première indication sur l’usage de la primevère. Cette nonne allemande qualifie le coucou de « clé des portes du paradis » et y voit un remède efficace dans les cas de mélancolie et de paralysie.
Par la suite, les guérisseurs ont également utilisé la primevère officinale pour ses propriétés expectorantes, antibiotiques, diurétiques et laxatives.
L’abbé Kneipp (1821-1897) était un adepte de la primevère. Par ses vertus dépuratives, elle chasse du corps toutes les toxines qui causent la goutte et les affections rhumatismales. L’abbé Kneipp écrit : « Celui qui a tendance à avoir des douleurs dans les membres ou de la goutte, doit boire pendant longtemps une à deux tasses par jour de tisane de primevère. Les douleurs s’apaisent et, avec le temps, disparaissent complètement ».
Si on remonte un peu plus prés de nous, Maria Treben dans son usage des simples (La santé à la pharmacie du bon dieu) » décrit la primevère officinale comme excellente contre les insomnies :
« Cette tisane doit être préféré à tous les somnifères chimiques, car ceux-ci sont nocifs pour le système nerveux, tandis que la tisane évite tous les troubles nerveux. » Elle indique aussi une action apaisant sur le coeur et les nerfs.
Cazin (1788 1864) n’ai pas forcément du même avis : « Cette plante n’est pas tout à fait inerte ; mais elle est du nombre de celles dont on peut se passer sans inconvénient, malgré les éloges qui lui ont été prodigués ». Tout en admettant, avec Cullen, Peyrilhe et M. Cazin, que la primevère pourrait, sans grand inconvénient, disparaître de la matière médicale, nous,demanderons grâce au moins, dit Martin-Lauzer, pour l’infusion de ses fleurs, qui est d’une si belle couleur d’or, d’une odeur suave, dune saveur agréable, et qui pourrait avec avantage prendre place dans nôtre cercle si peu varié de tisanes pour les affections inflammatoires ».
La primevère, mettons là en lumière
Maintenant que le cours d’histoire est terminé (et que je ne vous ai pas trop endormi).
De toute cela, je retiendrais l’usage personnelle que j’en ai fait :
Elle m’a aidé à soigner des maux de gorge en infusion. Vous savez, ceux qui piquent, gonflent la gorge et grattouillent. C’est une plante qui aide vraiment à soigner efficacement la sphère ORL.
J’ai aussi testé une toute autre forme, en lotion pour apaiser bouton et parait il diminuer les rides.. Je ne sais pas si cela a été efficace ou pas 🙂 car ma méthode d’extraction a plutôt été artisanale !
Pour finir un rapide résumé de ces indications :
– pétales: sédatif; diminuer la production d’histamine et détruire les radicaux libres qui font vieillir la peau; spasmes; inflammations;– fleurs en tisane: tension; maux de tête; sommeil agité; rhume; stress nerveux;
– fleurs en lotion: boutons; rides; coups de soleil;
– racine: expectorant, migraine, maladies de poitrine, paralysie, expulsion des mucosités; diurétique; réduire fluxions ou spasmes; contient des composés du type de l’aspirine;
– racine en décoction: bronchite chronique
Le docteur Valnet l’indique aussi en usage externe pour les contusions.
La primevère, la conserver sous verre
Tout de suite après la cueillette des fleurs (je n’ai pas pris les racines) : je les ai séparées de leur calice et mises à sécher sur des sacs de papiers ouverts en deux, posées dans le fond d’une cagette placée dans le noir au garage. Bien étalées.
En surveillant régulièrement, en moins de2 semaines, les fleurs étaient sèches. Alors il ne reste pas grand-chose, elles deviennent bien rabougries !!
Et côté conservation, dans un bocal en verre , à l’abri de la lumière et de la chaleur.
La primevère, un délice pour la cuisinière
En cuisine, ce sont les jeunes feuilles ( les feuilles matures deviennent dures et fibreuses) et les fleurs (détachées de leur calice gonflé) qui sont appréciées pour les gourmets.
Les jeunes feuilles,crues et ciselées, peuvent se mélanger à une salade de betterave rouge ou d’autres feuilles et jeunes pousses de printemps comme le mouron blanc et l’ail des ours. En cuisine chaude, les feuilles se préparent comme les épinards. On peut également les utiliser dans les potages. La racine de la primevère officinale dégage lorsqu’on la froisse une puissante odeur d ’anis. Le chef savoyard Marc Veyrat parfume des légumes en les cuisant à la vapeur de ces racines odorantes.
Elles renferment de la vitamine C et des sels minéraux : Mg, K, etc.
Pour les adeptes de la cuisine des fleurs, celles de la primevère officinale (coucou des prés) ne manquent pas de charme – beauté et saveur de miel – pour parer vos plats de crudités en détachant les belles corolles soudées des fleurs de leur gros calice enflé.
Côté desserts, les fleurs fraiches peuvent parsemer la célèbre « crème anglaise ». On peut aussi cristalliser les fleurs, de la même manière que les violettes odorantes, pour en faire une garniture très appréciée pour les coupes de glaces, les crèmes et certaines pâtisseries.
Côté boissons, on trouvera le thé de fleurs, la limonade aux fleurs, et le vin aromatisé aux fleurs de primevères, dit aussi « vin des cardiaques« .
Pour finir, quelques recettes de primevère
Le « vin des cardiaques »
Ce vin parfumé que l’on utilisait jadis pour combattre l’arythmie se prépare dans une bouteille d’un litre remplie avec 50 gr de fleurs fraîches, que vous compléterez avec du vin blanc et un peu de miel liquide. Fermez la bouteille, recouvrez d’un papier brun et laissez fermenter au soleil pendant deux semaines. Ouvrez et filtrez. Ce vin peut se conserver en cave. Servez bien frais.
Le dépuratif printanier (recette de Maria Treben)
50 g de Primevère (espèce veris ou elatior), 50 g de pousses de Sureau* ,15 g de feuilles d’Ortie,15 g de racines de Pissenlit (poids en plantes sèches)
Une cuillère à thé bien remplie de ce mélange (toutes plantes sèches) dans 1 de litre d’eau bouillante. Laisser infuser trois minutes, boire la valeur de deux tasses par petites gorgées réparties sur la journée. On peut sucrer avec un peu de miel.
* Par pousses de Sureau, on entend les bourgeons quand ils viennent de s’ouvrir au printemps.
Bouillon aux fleurs de printemps
Pour 4 personnes : une grosse poignée de feuilles et fleurs de primevères (espèce veris ou elatior) et la même mesure de fleurs et feuilles de violettes (de votre jardin ou des champs), 3 oignons blancs avec leurs tiges vertes, 3/4 feuilles d’oseille, 2 cuillers à soupe de boutons et fleurs de pâquerettes, 2 cuillers à soupe de fleurs de pissenlit, 2 pommes de terre, 1litre d’eau,sel et poivre du moulin. Laver toute votre récolte. Mettre quelques fleurs de côté et coupez tous les autres ingrédients. Faire cuire une vingtaine de minutes. Ensuite, laissez ainsi, ou mixez ce bouillon diététique. Ajoutez les quelques fleurs réservées, servez bien chaud avec un peu de crème fraîche allégée.